Jugement prononcé après ouverture des débats : pas d’interruption de l’instance
Aucune interruption de l’instance pour un jugement prononcé après l’ouverture des débats
Un article rendu le 3 avril dernier par la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler que si un événement est notifié après que les débats soient ouverts, cela n’entraîne pas d’interruption de l’instance en cours. Or, si l’instance n’est pas interrompue, le jugement est réputé avenu au sens de l’article 372 du Code de procédure civile. Quels sont les contours de cet arrêt et que doit-on en retenir ?
Un arrêt qui revient sur l’interruption de l’instance
L’interruption de l’instance constitue un mécanisme majeur du procès civil dont l’objectif est de protéger le plaideur qui n’est plus en mesure à un moment donné d’assurer sa défense convenablement. Cela a donc pour conséquence de bloquer la procédure, comme de la paralyser en quelque sorte.
Afin de mettre fin à cette interruption, quelle que soit sa raison de départ, il est nécessaire de fournir un acte de reprise d’instance. Cet outil de protection d’une partie privée est ici abordé à nouveau, sous l’angle de la liquidation judiciaire. En effet, la Cour de cassation s’exprime sur la situation où il est nécessaire de faire exception à la règle de base. En la matière, l’article 371 du Code de procédure civile vient bien rappeler que l’instance n’est pas interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats.
En l’espèce, il s’agissait d’un litige portant sur une action en revendication de véhicules de collection, dirigée contre le liquidateur d’une société. Le juge-commissaire avait en l’espèce rejeté cette action mais n’avait pas pris en compte le fait qu’entre-temps le juge de l’exécution avait reconnu que le requérant était propriétaire du véhicule.
La difficulté résidait ici dans le fait que la date d’ouverture de la procédure en liquidation judiciaire était antérieure à la décision rendue par le juge de l’exécution (6 années séparaient les deux). De ce fait, la décision du juge de l’exécution devait en principe être considérée comme non avenue.
Si les juges du fond ont appliqué cette règle à la lettre, les juges de Cour de cassation ont sanctionné cette décision au visa de l’article 371 du Code de procédure civile, au motif que les juges n’avaient pas recherché si le jugement de liquidation judiciaire n’avait pas été prononcé à une date ultérieure à l’ouverture des débats. Si tel était le cas, le jugement rendu par le juge de l’exécution était opposable de plein droit au liquidateur, ce qui changeait alors radicalement la donne. Cet arrêt vient donc rappeler ici l’importance cruciale de la date d’ouverture des débats.
Ouverture des débats : comment définir son ancrage temporel ?
Une question reste cependant à envisager. Comment faire pour définir avec le plus de précision possible l’ancrage temporel de cette ouverture des débats ?
Si l’on suit l’article 371 du Code de procédure civile, l’ouverture des débats a lieu lorsque le demandeur prend la parole dans le cadre de l’audience de plaidoirie. Cela marque un nouveau tournant du procès, dans cette phase qui précède le délibéré et qui empêche toute modification future, hormis si le juge prend la décision d’ouvrir à nouveau les débats. Ainsi, si la partie est en liquidation judiciaire à ce moment, le jugement est rendu au nom de cette partie débitrice. Reste qu’en traitant d’ouverture des débats, cela recouvre en réalité un certain nombre de situations et un délai conséquent qui s’étale dans la durée.
⇒ Arrêt du 3 avril 2019, Chambre commerciale de la Cour de cassation, n° 17-27.529