Désignation du mandataire successoral sans indivision
Désignation du mandataire successoral sans situation d’indivision
Par un arrêt rendu le 17 octobre 2019, la Cour de cassation a considéré qu’il était possible pour un juge de désigner un mandataire successoral en dehors de toute indivision.
Cette possibilité est ouverte par l’article 813-1 du Code civil encadrant cette administration provisoire de la succession « en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale. »
Retour sur cet arrêt et sur ses conséquences avec le cabinet Ferdinand.
Désignation judiciaire du mandataire successoral : un droit consacré
Un mandataire judiciaire est une personne désignée par un juge, agissant pendant une période déterminée, et dont la mission est de gérer le patrimoine successoral afin de permettre le partage de la succession.
Le droit prévoit la possibilité de demander la désignation judiciaire d’un mandataire à la succession depuis une loi du 23 juin 2006. L’arrêt rendu le 17 octobre 2019 vient en préciser les contours et le champ d’application, tout en élaborant ses conditions de mise en action.
Permise par l’article 813-1 du Code civil, cette possibilité permet le déblocage d’une succession du fait d’un conflit opposant les héritiers. La désignation d’un mandataire judiciaire à la succession permet une bonne gestion de l’actif et la fin d’un blocage pouvant se cristalliser entre les parties à la succession. La désignation de ce mandataire peut être demandée soit par un créancier, un héritier, toute personne chargée de l’administration du patrimoine de la personne décédée ou encore par le Ministère public.
Désignation d’un mandataire universel et carence du légataire universel
L’article 813-1 du Code civil ouvre la possibilité de désigner un mandataire successoral dans le cadre de toutes les successions, pas uniquement celles qui sont indivises. C’est le cas en l’espèce pour une succession recueillie par un légataire universel en l’absence d’indivision avec les autres héritiers. Rappelons qu’ici l’absence d’indivision est due à la présence du légataire universel face aux héritiers réservataires.
La condition pour pouvoir désigner un mandataire successoral dans ce cas de figure est de pouvoir caractériser un état de carence, une faute ou une inertie de la part du légataire universel dans l’administration successorale ou bien de démontrer qu’il existe bien une mésentente entre les héritiers.
En l’espèce, une personne décédée laisse 5 enfants à la succession, l’un d’eux étant nommé légataire universel. A la suite d’une mésentente entre les héritiers, une partie à la succession demande la désignation d’un mandataire successoral.
La Cour d’appel fait droit à cette demande de désignation, mettant en avant que le légataire universel n’a pas administré correctement la succession et qu’il s’oppose au paiement des charges de copropriété. Les juges relèvent également l’existence d’une mésentente profonde entre l’administrateur de la succession et les héritiers réservataires.
La Cour de cassation s’est donc interrogée sur l’opportunité pour le juge de désigner un mandataire successoral en l’absence d’indivision, dans le cas d’une inertie ou d’une mésentente entre les héritiers.
Nul besoin d’indivision pour désigner un mandataire judiciaire à la succession
Une fois qu’elle a soulevé l’absence effective d’indivision à la succession, la Cour de cassation s’est positionnée en faveur de la désignation judiciaire du mandataire successoral. Elle indique en effet que l’intérêt commun des héritiers exige de pallier la mauvaise gestion du patrimoine successoral par le légataire universel.
Dans le cas concret, la Cour de cassation relève la présence nette d’un dysfonctionnement profond et en tire les conséquences (un danger pour l’intérêt des héritiers réservataires). Elle en conclue qu’il est possible pour le juge de désigner un mandataire successoral même en l’absence d’indivision.
Une telle décision peut apparaître surprenante puisqu’elle ne reprend pas strictement les conditions définies à l’article 813-1 du Code civil. Le fait de viser la mise en péril de l’intérêt commun des héritiers ne rejoint pas forcément les cas d’inertie, de carence ou de faute d’un héritier ni même les cas de mésentente ou d’opposition d’intérêts. Cependant, les juges ont déjà eu l’occasion en 2006 de consacrer la possibilité de désigner un administrateur provisoire à la succession en cas de mise en péril des intérêts communs des successeurs.
L’intérêt est surtout ici de protéger les héritiers d’une mise en péril de leurs intérêts communs. Ces derniers peuvent en effet pâtir d’une mauvaise administration du patrimoine successoral du fait du légataire universel. La faute commise par ce dernier pourrait alors avoir une incidence directe sur les intérêts des autres héritiers.
La conséquence pourrait être une diminution de l’indemnité de réduction, calculée au jour du partage en tenant compte de l’état du patrimoine. Ainsi, le fait de mal gérer le patrimoine successoral pourrait entraîner sa diminution, induisant de fait une baisse de l’indemnité de réduction revenant aux héritiers.
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